Gabriel García Márquez : La Colombie du réalisme magique
DOSSIER DU MOIS #Novembre 2022 : La Colombie, art, nature et amour. Du cœur à la côte des Caraïbes, la Colombie de Gabriel García Márquez est un voyage initiatique qui se vit tant sur le papier que sur la route… Il est l’un des auteurs les plus marquants du XXème siècle. Son œuvre fut saluée en 1982 par la remise du Prix Nobel de littérature. Marchez dans les pas de ce monument de la culture sud-américaine avec notre circuit La Sérénade de la Rivière de la Vie.
Sommaire
Qui est Gabriel García Márquez ?
Avec des œuvres telles que Cent ans de solitude ou L’amour aux temps du choléra, Gabriel García Márquez est comparé à Rabelais, Hugo ou encore Cervantes.
Il est également l’une des figures majeures du réalisme magique. Il s’agit d’un courant littéraire développé en Amérique latine notamment, qui mêle exactitude historique et éléments fantastiques, surnaturels. S’il n’existe pas de définition précise de ce courant, les intentions générales se déclinent en deux cheminements. Dans un premier temps il s’agissait de rejeter le rationalisme, de pousser à accepter l’intrusion du merveilleux dans un environnement avéré tant sur les plans historiques et géographiques que sociaux. Par la suite, il s’agira davantage de souligner l’extraordinaire du quotidien, la magie des instants normaux.
Aracataca, les racines de l’art
Gabriel né à Aracataca, un petit village du nord de la Colombie. Ce bourg est aujourd’hui devenu un témoignage poignant, une incarnation vibrante de la plume de Gabo, comme on l’y surnomme. Ce lieu paisible, reculé, où vivent des gens simples, est l’une des inspirations dans la création du village fictif de Macondo :
Macondo était alors un village d’une vingtaine de maisons en glaise et en roseau, construites au bord d’une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des œufs préhistoriques. – Cent ans de solitude (1967)
Le talent et l’imagination débordante si souvent acclamés de García Márquez ne viennent pas de nulle part. En effet, dès sa plus tendre enfance à Aracataca des personnages hauts en couleur l’entourent.
Ses parents
Gabriel et Luisa : une histoire d’amour tumultueuse qui inspirera L’amour aux temps du choléra. Gabriel père est trop pauvre pour faire un mari convenable à la fille de militaire qu’est Luisa. Il parvient pourtant à conquérir son cœur grâce à ses poèmes et sérénades au violon. Lorsque vous viendrez vous abriter du soleil sous le parapet de la gare d’Aracataca, imaginez ce couple. Ils sont amoureux, ils se sont battus pour être ensemble. Les parents de Luisa ont enfin accepté le mariage. Elle est à présent enceinte, rayonnante d’espoir et ne peut imaginer ce qui attend ce petit qu’elle couve. Près de la rivière, il fait ses premiers pas, pendant que les autres enfants l’éclaboussent pour le rafraîchir. Il est baptisé dans la belle église San José peinte de chaux et d’ocre, à deux pas de la maison qui le verra grandir…
Ses grands-parents
Gabriel est confié dès ses deux ans à ses grands-parents, alors que ses parents partent pour Barranquilla, la capitale de la région voisine. La maison du couple est aujourd’hui un véritable musée de la vie de Gabriel García Márquez. Elle fut reconstruite selon la description faite par l’écrivain dans son autobiographie Vivre pour la raconter. Traversez à la fois l’espace et le temps de la vie de Gabo sous tous ses aspects : familiale, politique, social, artistique. D’oniriques papillons jaunes, guides de lumière, vous accompagnent tout au long de votre exploration.
Papa Lelo
En traversant l’atelier de son grand-père, vous verrez sur les tables et aux murs des poissons d’or que le vieil homme fabriquait. Ils vous rappelleront sans doute le personnage du colonel Aureliano Buendia (Cent ans de solitude, 1967). Cette métonomasie de son abuelo rend hommage à la fois à l’artisanat de la ville et au métier de son aïeul. Cet ancien militaire fut une figure essentielle de la construction du jeune garçon.
En effet, « Papa Lelo » met un point d’honneur à faire de son petit-fils un homme éduqué, ouvert d’esprit et conscient du monde dans lequel il grandit. Plus tard Gabriel décrira cet ancien militaire et conteur hors pairs comme « le cordon ombilical entre histoire et réalité ».
Abuela Tranquilina
Laissez ensuite vos pas vous guider jusqu’aux jardins de la maison… Au milieu des statues rendant hommage à l’œuvre de Gabo vous découvrez un immense banian. Il laisse glisser ses lianes jusqu’au sol… Celui que les enfants appellent « el arbole qui caminar », l’arbre qui marche, est chargé d’une aura mystique. Dans les anciennes croyances caribéennes il était le gardien des esprits. On peut imaginer à son pied le petit Gabriel, accompagné de l’autre personnage principal de son enfance : sa grand-mère.
Tranquilina Iguarán Cotes est d’origine indienne, elle portait en elle une tradition du surnaturel qu’elle transmettra à son petit-fils. C’est elle qui sera « la source de la vue magique de la réalité ». Esprits, prémonitions, démons et prophéties émaillent son enfance. Malgré le mépris affiché de son grand-père pour ces croyances elle parviendra à les partager avec Gabriel. Il en gardera cette façon qu’elle a de « traiter les choses extraordinaires comme si elles étaient tout à fait naturelles ».
Cartagena, quand l’histoire côtoie le rêve
Je dirais que j’ai terminé mon apprentissage de l’écriture à Carthagène – Gabriel García Márquez dans un documentaire de Salvatore Basile
Après avoir rejoint ses parents et entamé des études de droit, Gabriel García Márquez partira vivre brièvement à Cartagena. C’est une ville complexe et fourmillante aux multiples facettes se répondant comme un jeu de miroir. De sa création par les conquistadors à son développement comme carrefour entre Histoire et culture, Carthagène des Indes offre au jeune Gabriel un terreau idéal pour mûrir ses ambitions et aux voyageurs pour rêver !
Les témoignages imposants du passé tel que le Castillo San Felipe de Barajas, impressionnante forteresse dominant les alentours terrestres comme maritimes de la ville, ou encore les ruelles aux murs ambrés du centre historique résonnent dans l’esprit du jeune homme des histoires de son Papa Lelo. Chaque pierre des remparts semble chuchoter le nom des pirates qui s’attaquèrent à la citadelle… C’est toute l’histoire du Nouveau-Monde qui s’écrit dans cette ville. Les œuvres contemporaines côtoient les statues de l’Inquisition, la tranquille mélodie de l’océan se mêle aux rythmes de salsa et aux cris du marché de Bazurto.
Gabriel García Márquez viendra souvent se recueillir dans l’église San Pedro Claver, un missionnaire jésuite espagnol ayant dévoué sa vie à aider les esclaves de Cartagena. Ce combat résonnera dans le cœur du jeune révolutionnaire. Des années plus tard, il portera la voix de bien des peuples contre les dérives dictatoriales des régimes sud-américains.
Vous pourrez également vous rendre au pied de la célèbre tour de l’horloge. Là où le père de Gabriel lui avait crié qu’il finirait par manger du papier s’il s’obstinait à devenir écrivain. Ou bien au Café Havana pour un moment plus festif, là où il passait ses journées à refaire le monde avec ses camarades militants ou écrivains.
Les deux ans passés dans l’enceinte de cette cité de légende confirmeront sa vocation d’écrivain avec ses débuts comme journaliste.
La réalité magique de Gabriel García Márquez à Mompox
Sa réalité, Gabo l’a trouvée à Cartagena mais la magie il ira la piocher au cœur du Rio Magdalena. Il fera du village imaginaire de Macondo un personnage récurrent de ses écrits.
Bien que fictif, ce village ne sort pas entièrement de l’imagination débordante de notre auteur. En plus d’Aracataca, la petite ville de Mompox en a également été l’une des sources d’inspiration principales. Gabriel García Márquez aurait déclaré, dans un jeu amusant de brouillage des frontières du réel et de la littérature, que Mompox n’existerait pas. Elle a pourtant bien servi de décor pour l’adaptation au cinéma d’un autre de ses romans : Chronique d’une mort annoncée de Fransesco Rosi. Pure fantaisie ou volonté de préserver à tout prix la source de son inspiration, qui peut savoir ?
Il est en revanche possible de se rendre dans cette ville classée à l’Unesco pour découvrir où l’auteur a développé son univers. Témoignage presque intouché de ce que fut ce village d’artisans il y a 500 ans, Mompox est un trésor d’authenticité où tout semble ralentir. Ancien port de commerce reliant la côte des Caraïbes aux villes andines, il est aujourd’hui une bulle où le temps s’engourdit. Pour comprendre ce que Gabo a perçu dans ces rues, il vous faudra apprendre à laisser passer le temps devant vous et même à le regarder passer…
Combien de fois dans un voyage a-t-on l’occasion d’expérimenter le vrai repos ? Le repos de l’espace et du temps lui-même dans un endroit aussi beau qu’un village d’artisans ? Nous vous avons déniché une ancienne maison coloniale restaurée en hôtel. Poutres apparentes, rocking-chairs, l’odeur du jasmin et la chaleur enveloppante d’une après-midi de rien. Comme le disent ses habitants : « On ne passe pas à Mompox. On s’arrête à Mompox. »
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Pour aller plus loin :
Cent ans de solitude – Gabriel García Márquez
La vie et les troubles du village de Macondo durant cent ans de solitude, malédiction lancée par un gitan sur la famille Buendia.
L’amour aux temps du choléra – Gabriel García Márquez
Florentino, poète et violoniste sans le sou tombe désespérément amoureux de la sublime Fermina qui lui préfère un riche médecin. Il passera sa vie à se construire fortune et gloire pour espérer un jour la reconquérir.
Gabo, Mémoires D’une Vie Magique d’Óscar Pantoja, Miguel Bustos, Felipe Camargo et Tatiana Córdoba
Roman graphique retraçant la vie de Gabriel García Márquez d’Aracataca jusqu’au Mexique en passant par ses années en France, ses amours passionnés et ses amitiés étonnantes.